• Un espace médiéval dans le Paris du XVIIIe siècle
Le Palais forme une ancienne résidence royale, étudié notamment par Jean Guerout, par Alain Erlande-Brandenburg et par Boris Bove. Le site situé à l’ouest de l’île de la Cité est occupé dès l’Antiquité ; il accueille le palais de l’empereur Julien au IVe après J.-C.. Encore fréquenté par les rois mérovingiens, il connait un essor manifeste sous les rois capétiens après l’éclipse des Carolingiens. Robert II le Pieux (996-1021) mène les premiers travaux de reconstruction et fait du Palais sa résidence régulière. L’ensemble tend désormais à s’organiser autour de l’aula regis (salle du roi), de la chambre et de la chapelle du roi. Louis VI (1108-1137) puis Louis VII (1137-1180) y résident de plus en plus longuement. Au cours du XIIe siècle, un donjon nommé « grosse tour » est élevé au centre du Palais. Philippe Auguste (1180-1223) investit politiquement l’espace tandis que Louis IX (1226-1270) fait élever la Sainte Chapelle pour conserver les reliques de la Passion du Christ. Il y adjoint des maisons bénéficiales pour loger les chanoines qui la desserve et le Trésor des Chartes. Philippe IV le Bel (1285-1314) et son conseiller Enguerran de Marigny agrandissent le Palais de telle sorte que des administrations judiciaires et financières s’installent définitivement au Palais.
Favorisant le Louvre, l’hôtel Saint-Pol ou Vincennes, Charles V (1364-1380) abandonne finalement le palais de la Cité ou, plus exactement, cesse d’y résider. Il y installe en effet une horloge publique, il y conserve ses administrations et s’y rend pour certaines cérémonies. D’ailleurs, l’éloignement physique de la monarchie ne signifie pas qu’elle se désintéresse du sort de son Palais. Louis XII (1498-1515) par exemple contribue fortement aux aménagements de l’enclos puisqu’il veille à la reconstruction de la Chambre des Comptes et à la décoration de la Grand Chambre.
Le Palais en 1412 et 1416, Très Riches Heures du Duc de Berry, musée Condé, Chantilly.
Sous l’Ancien Régime, les « gros murs » médiévaux des édifices et la silhouette gothique de la Sainte Chapelle rappellent à chacun l’ancienneté des lieux. Tantôt les femmes et les hommes du XVIIIe siècle louent cet héritage qui est synonyme d’un usage immémorial et prestigieux de ce morceau de ville tantôt déplorent-ils une architecture labyrinthique à l’image de la procédure judiciaire d’alors.
Les ornements des façades et des intérieurs multiplient les évocations de la monarchie. Tantôt le porc-épic de Louis XII tantôt le chiffre d’un Louis XIV figurent au milieu des semis de fleurs de lys sculptés ou tapissés. Ils prennent sens par leur accumulation en tout lieu de l’enclos.
La ville constitue du « temps solidifié » selon la belle expression de Bernard Lepetit. Cela veut dire que le cadre urbain est marqué par une forme inertie de telle sorte que les habitants sont largement contemporains d’un paysage hérité. L’intention de notre thèse était alors de comprendre le fonctionnement d’un palimpseste spatial.