• Qu’est-ce qu’un enclos judiciaire ?

La monarchie en abandonnant sa résidence l’a confiée à la garde d’une juridiction spécifique appelé bailliage du Palais. Il forme alors le ressort territorial[1] de cette juridiction qui connait les affaires civiles, criminelles et gracieuses qui se déroulent dans ce qui est aussi nommé l’enclos du Palais. Le Répertoire universel et raisonné de jurisprudence de Guyot définit le terme d’enclos comme un « espace contenu dans une enceinte de maisons, de murailles, de haies, de palissades, &c. » ; il s’agit donc d’un espace délimité.

Jusqu’en 1674, le bailli du Palais exerce ses fonctions non seulement sur le Palais lui-même mais également sur les faubourgs Saint-Jacques et Saint-Michel[2].  À cette date, un édit réunit au Châtelet les justices seigneuriales en exceptant « le dedans & Enclos de nostre Palais & Galeries d’iceluy seulement ». Il met fin à l’éclatement spatial de la juridiction en permettant au Châtelet d’exercer la police sur « un territoire plus considérable »[3]. Le bailliage constitue dès lors une « unité logique » selon Edouard Leroux qui est quasi le seul historien du bailliage du Palais[4]. Le problème est qu’il n’est précisé à aucun moment de manière explicite où commence et où s’arrête cette exception puisque l’enclos n’est défini ni de manière cartographique ni de manière textuelle.

 

Le lieutenant général du bailliage possède dans le même temps la police de cet endroit, c’est-à-dire de son administration. Or la juridiction doit faire face à des institutions rivales, en particulier celle du Châtelet. Le conflit amorcé au moins dès le début du XVIIe siècle s’accentue dans les années 1670. Un édit cherche à y mettre fin en octobre 1712.

 

Jacques-Denis Antoine, Dessin de la grille du Palais Marchand, années 1780, BnF, Paris, gallica.

 

Le conflit porte principalement sur la délimitation du territoire de l’un et de l’autre à un moment où Paris s’affirme comme modèle policier à la fois en France et en Europe. Cette affirmation s’appuie tout à la fois sur une production théorique émanant pourtant d’acteurs de la police et sur un exercice pratique. L’enjeu est d’observer comment deux juridictions royales déploient des stratégies territoriales concurrentes dans une ville qui sert de modèle policier tout en cherchant à comprendre comment la monarchie, mais aussi les Parisiens, y font face. Jean Guerout appelait de ses vœux une « cartographie des zones contestées »[5]. C’est ce que nous nous sommes proposé de faire en examinant l’organisation des spatialités parisiennes.

 

[1] C’est-à-dire d’une étendue sur laquelle ils exercent leur justice et leur police.

[2] Edouard Leroux, Le Bailliage du Palais, p. 138-150.

[3] Premier mémoire du bailliage

[4] Edouard Leroux, Le Bailliage du Palais, p. 1.

[5] Jean Guerout appelait un tel projet de ses vœux en 1978 (Jean Guerout, « La question des territoires des bailliages royaux… », art. cit.).