LA RECONSTRUCTION DU PALAIS DE JUSTICE DE PARIS APRÈS L'INCENDIE DE 1776 Le rôle des architectes face aux enjeux politiques
par Gaël Lesîerlin
En 1992, Werner Szambien notait, dans La justice en ses temples, que « l'histoire architecturale du Palais de Justice de Paris » restait à écrire et il évoquait, pour sa façade, la « solution mitigée pour l'extérieur : un important perron est flanqué d'arches à la Piranèse — élément moderniste - mais conduit à un porche aux colonnes engagées et surmonté d'une toiture dont la forme évoque plutôt un édifice royal »Kfîg- i)- Si la présente étude de la reconstruction du Palais après l'incendie de 1776 part du même constat, elle en inverse le raisonnement, pour s'attacher au détail de la réalité d'un chantier au quotidien, mis en rapport avec la crise politique et économique aiguë dont il fut l'un des centres. À la fois siège historique de la monarchie et du Parlement de Paris, le Palais de Justice est porteur de valeurs symboliques distinctes, dont la cohabitation des registres formels lors de la reconstruction va être l'un des enjeux principaux. Et au-delà, sa position centrale dans la capitale d'un pays malmené par d'incessants conflits de juridictions rend l'événement particulier au regard des multiples projets d'embellissement du cœur de Paris qu'il inspira au cours des deux derniers siècles2. Pourtant il semble que ce soit plus la configuration de l'édifice et le parti architectural initial qui aient présidé à la mise en place d'une écriture

W. Szambien, « Le langage des Palais de Justice », La justice en ses temples, Paris, 1992, p. 73 et note 5. Il ne s'agit pas de colonnes engagées mais plutôt adossées, voir fig. 10.
M. K. Deming, « Louis XVI en l'île. Contribution à l'étude des places royales parisiennes à la fin de l'Ancien Régime », Revue de l'Art 83, n° 1989, p. 86-92. Du même auteur, « Les places Louis XVI », L'urbanisme parisien au siècle des Lumières, (sous la dir. de M. Le Moël), Paris, 1997, p. 66-77.
Fig. 1 - Le Palais de Justice de Paris (cliché GL, 1998).