Le XVIe siècle est un Héros »

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Denis CROUZET

Extrait carte postale d'Alger

Présentation du projet

Extrait carte postale d'AlgerCette recherche en cours doit donner lieu à une publication (2021) qui s’intitule : « Le XVIe siècle est un héros » ou Michelet, l’invention de la Renaissance et l’unité du genre humain. Son titre dérive d’une formule de Michelet dans le volume VII de son Histoire de France dans lequel fut inventé, avant Jacob Burckhardt, le concept d’une « Renaissance » succédant à la « tyrannie » du Moyen Âge et précédant un XVIIe siècle de régression.

Il s’agit, à partir de cette déclaration de foi personnifiant une séquence historique distinctive, de se poser plusieurs questions : pourquoi le XVIe siècle a-t-il, depuis le milieu du XIXe siècle, été la balise autour de laquelle l’historiographie française a construit la plupart – ou pour être mesuré, certains - de ses grands renouvellement herméneutiques, pourquoi a-t-il joué un rôle quasi-héroïque au sens où les changements qui se lisaient dans son développement factuel ont fait naître en France de nouvelles façons de penser l’histoire et l’art de faire de l’histoire –ainsi avec Lucien Febvre ou Fernand Braudel, entre autres ? Pourquoi le XVIe siècle parle-t-il peut-être plus qu’une autre séquence de l’histoire ?

Mais il s’agit aussi, dans ce livre, d’essayer de comprendre pourquoi la Renaissance fut, dans la gestation de l’écriture historienne de Michelet, une nécessité, un leitmotiv plongeant dans un complexe d’« enfant de remplacement » – un complexe de Caïn. Michelet recélait en lui un mort, un frère perdu qui avait conditionné sa conception, et l’histoire, qui lui faisait écouter les voix du passé, qui l’identifiait au passé, eut sans nulle doute une fonction d’exorcisme ou de refoulement de la mort en jouant symboliquement de manière répétitive le retour à la vie de celui qui était mort et donc il se ressentait de manière culpabilisée l’ersatz. e siècle..

Au cœur de ce rapport à la mort, il y eut la Renaissance, la grande scénographie d’un triomphe sur la mort qui fut articulée à une valorisation de la France comme à la fois réceptrice et cristallisatrice d’une « modernité » héroïque ayant promu les idées de liberté et de fraternité, et ayant fait germer face aux atrocités et aux violences confessionnelles les idées qui furent ensuite retrouvées et amplifiées durant la Révolution, qui firent l’idéalité de la Révolution le 14 juillet et lors de la Fête de la Fédération.

C’est-à-dire que la Renaissance de Michelet, repensée à ses yeux durant les changements religieux en une réformation libératrice, eut un sens moral et politique qui la dépassait : face à l’échec de la Révolution et des révolutions du XIXe siècle, face à une liberté opprimée qui semblait morte après le coup d’Etat du Prince-Président, la Renaissance permit à Michelet de se persuader que les forces de vie de l’humanité, à commencer par la liberté, demeurent latentes comme elles sont demeurées latentes à la fin du XVIe siècle quand l’Europe a été enserrée dans l’absolutisme. Elle l’autorise à sublimer la peur d’une histoire qui serait fermée, finie. Elle autorise l’historien à écrire qu’un avenir positif attend l’humanité, que l’histoire est une pédagogie éthique de l’espérance. En fin de compte, le livre se veut une réflexion sur le rapport de l’auteur historien à son objet, l’histoire, qui apparaît autant comme une projection de ses hantises que comme un instrument pour les réduire, comme donc hantée, en quête d’une innocence qu’elle subvertit…

Carte postale Au Rendez-vous des colons