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Nicolas Lyon-Caen
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Un prix sans aménité. L'indemnisation des propriétaires parisiens à la fin de l'Ancien Régime
À la fin des années 1780, de grands travaux destinés à améliorer la circulation mettent le centre de Paris en chantiers, autour de la Seine et des Halles principalement. Ces deux vagues d’expropriation, simultanées et similaires par les procédures utilisées, diffèrent pourtant selon l’administration qui la prend en charge. Les propriétaires des Halles se montrent satisfaits de la Lieutenance générale de Police, ceux des quais fréquemment déçus par la municipalité. C’est qu’au lieu d’une juste indemnité, que certains ne renoncent pas à réclamer au nom d’arguments moraux et de leur investissement dans la gestion de la cité, ils reçoivent le prix que les administrations acceptent de payer pour leur bien. Et celui-ci est déterminé en amont par les moyens dont elles disposent plus encore que par l’expertise des spécialistes du bâtiment qui se contentent de valider leurs propositions. C’est ce que montre en particulier le vif affrontement autour du taux de capitalisation des loyers, donnée essentielle du raisonnement de l’ensemble des acteurs qui permet d’énoncer les enjeux de cette différence entre valeur et prix. -
L’immobilier parisien au XVIIIe siècle. Un marché locatif
Les marchés immobiliers urbains sont généralement analysés à partir des prix de vente. L’extraordinaire concentration de la propriété dans les grandes villes de l’Époque moderne, à commencer par Paris, incite pourtant à penser que ce sont les transactions autour des loyers qui informent, dans une large mesure, la dynamique des échanges. Les Parisiens étant très majoritairement des locataires, l’immeuble est une source de revenus bien plus qu’un investissement en capital. À telle enseigne que la majorité des évaluations immobilières s’effectuent au moyen du principe du denier, c’est à dire en multipliant la valeur locative par un coefficient prédéterminé. Une convention utilisable par tous sert donc à déterminer les prix de vente. Reporter sur les loyers l’explication principale des variations du marché immobilier permet de distinguer des logiques moins évidentes que la rencontre d’une demande et d’une offre sur fond de ségrégation résidentielle. La hausse des loyers qui marque le XVIIIe siècle renvoie ainsi à la multiplication des boutiques, à l’enracinement de la fiscalité sur les revenus ainsi qu’au rôle central du principal locataire, véritable entrepreneur foncier qui concurrence le propriétaire dans l’accaparement de la rente foncière. -
Les marchands du temple. Les boutiques du Palais de justice de Paris aux XVIe-XVIIIe siècles
Sous l’Ancien régime, le Palais de justice de Paris est la demeure du roi qui matérialise le mieux son pouvoir judiciaire. Mais il s’agit également d’un véritable centre commercial composé de centaines de boutiques, proposant nombre d’articles de luxe. Fondé sur le dépouillement des archives du Domaine, cet article décrit la densification commerciale des bâtiments au cours des XVIe-XVIIIe siècles. En exploitant cette fraction singulière de son patrimoine, la monarchie met en effet en œuvre une véritable politique d’aménagement en favorisant l’emprise marchande. Les boutiquiers acquièrent ainsi des droits sur le Palais qu’ils cogèrent au quotidien. L’urbanisme royal ne saurait donc se limiter aux constructions de prestige et d’embellissement. Reste que les nombreuses créations de boutiques que la royauté encourage au cours du XVIIe siècle ne parviennent pas à modifier sérieusement les usages et logiques économiques des lieux. Les valeurs foncières que les aliénations, les ventes et les locations permettent de reconstituer indiquent le maintien d’une hiérarchie ancienne entre les différents secteurs du Palais. Elles indiquent en outre un déclin inexorable de cet espace au cours du XVIIIe siècle, sous l’effet de l’éloignement des élites sociales. -
Multiplicité et unité communautaire à Paris. Appartenances professionnelles et carrières civiques, XVIIe-XVIIIe siècles
L’espace politique que constitue la ville d’Ancien Régime est peu étudié comme globalité, et comme réseau institutionnel. Cet article veut démontrer que l’étude des parcours de notabilité dans Paris révèle encore aux XVIIe et XVIIIe siècles une unité d’action et de recrutement social. Bourgeoisie et communautés territoriales ou professionnelles sont articulées entre elles grâce à plusieurs lieux de pouvoir – corps marchands, juridiction consulaire, municipalité, paroisses – au sein desquels évoluent les mêmes individus. Cette circulation, qu’on peut décrire comme un système, construit ses propres hiérarchies en même temps qu’elle cherche à se qualifier publiquement dans la sphère monarchique elle-même.